Merci JJ ! Fidèle à toi-même, intéressant et inimitable ! ST
écrit par Pascal le 25 juillet 2003 11:28:39:
en réponse à: Genève (part 3), visite chez Golay-Spierer… tjs + long écrit par jojopointcom le 25 juillet 2003 10:21:15:
>Compte rendu week-end à Genève (part 3)
>Christophe et Émile œuvrent à Carouge, c’est une petite ville à l’extérieur de Genève.
>Carouge est exactement comme on pourrait imaginer une petite ville suisse : charmante et paisible. Pas une maison n’excède 4 étages. Les rues sont tranquilles, l’air y est doux… Pour un peu, on mettrait Carouge dans une boule en plastique, avec de la fausse neige qui tombe.
>
>L’officine Golay-Spierer est toute proche de l’arrêt de tram. De l’extérieur, c’est très joli : façade blanche, grande vitre en arc de cercle avec boiserie, et sur la vitre, le nom de nos deux compagnons.
>On a à peine eu le temps de regarder dans la vitrine que Christophe est arrivé sur sa Harley : santiags, blouson noir avec un aigle dans le dos, tatouage facial, piercing dans le nez et cheveux super ras… Ah non, c’est pas lui. Désolé Christophe !
>Bon, je recommence, Christophe arrive sur son scoot ou sa moto, je ne me souviens plus. Le seul truc sûr c’est que c’est une grosse cylindrée car, en dessous de 125 cm3, il doit avoir les genoux qui traînent par terre (il mesure… grand, très grand).
>
>Après les présentations d’usage (Sylvie, Christophe, Christophe, Sylvie, la bise, pas trop quand même, je surveille) Il nous fait entrer dans l’immeuble attenant à la devanture de leur boutique, puis dans leur bureau.
>
>
>Christophe à son bureau.
>
>La pièce est assez petite, et donne sur une cour intérieure. Leur assistante nous reçoit, la bise ? Non, pas la bise, dommage !
>
>Puis on passe aux choses sérieuses. D’abord exploration virtuelle de l’ordinateur de Christophe. Quelques images de synthèses de montres en préparations. Ça a l’air drôlement intéressant. Je jette quand même un œil pour voir si des jeux sont installés. Rien, nada, nous sommes en face de gens sérieux, pas comme moi.
>Je remarque quand même qu’un couteau rigolo traîne sur le bureau, ainsi qu’un autre au-dessus de la bibliothèque.
>
>Bon, c’est pas tout ça, mais Christophe a des affaires courantes à régler. Direction la boutique, attenante, pendant qu’il bosse 5 minutes.
>La pièce est carrée, environ 25 m2. Nous sommes confortablement installés dans un canapé, devant une table basse sur laquelle sont posés des magazines de montres, avec des articles sur Golay-Spierer dedans.
>
>Au centre de la pièce trône une grande table en bois avec des fauteuils à l’apparence très avenante.
>Le long des murs, des bibliothèques et des meubles horlogers à casiers. Il manque plus qu’un petit feu de cheminée et un cognac, et tout serait parfait.
>Christophe nous rejoint, et tout le monde s’installe autour de la grande table.
>
>D’abord : le test !
>Il sort d’une vitrine, un casier avec une dizaine de bracelets. Tous faits dans des peaux différentes.
>Le but est de reconnaître au moins 50 % des peaux d’origines. Si je n’atteins pas ce quota, il me jette en pâture à une boîte de chocolats Suisses affamés (c’est vicieux !). J’en mène pas large.
>Alors, il y a un galuchat, un croco, un requin (pour l’instant ça va), une autruche, un lézard, celui-la, c’est du serpent, mais lequel ? Christophe, qui est dans un bon jour me concède le point (c’est du boa). Ça y est, j’ai dépassé le quota. Les autres sont en crapaud (incroyable), en patte de poulet, dans un autre morceau de croco et je dois en oublier.
>Il nous montrera même les peaux entières pour voir dans quelles parties ont été prélevés les bracelets.
>
>
>Après, on passe aux mouvements. Tel un magicien, Christophe sort un autre casier, remplis de très belles pièces.
>À ce moment, Émile, par l’odeur de la complication alléché, arrive et s’installe avec nous (Sylvie, Émile, Émile, Sylvie, la bise, pas trop quand même, je surveille toujours).
>Parmi les mouvements, je retiens surtout deux Universal Genève à micro rotors, très beaux, un Jaquet réveil et un vénus (mais je sais plus lequel).
>
>
>Calibre Universal 2-66
>
>Mouvement Venus 150
>
>Plus tard, Émile m’expliquera que le Jaquet est utilisé par Girard Perregaux ! ! ! Petite question à Émile : quand Baume & Mercier met un mouvement réveil GP dans ses montres, c’est du GP ou du Jaquet ?
>
>On passe ensuite à la boîboîte.
>D’abord on choisit le métal, acier, palladium, or, fer blanc de boîte de petits pois (ah non, ça, c’est pas eux) etc…
>Au départ ça ressemble à ça :
>
>On dirait un peu à une plaquette de haschich, mais je crois pas que ça ce fume !
>
>Après ils découpent la forme grâce à un procédé que j’ai pas bien compris. C’est comme un fil super chaud qui découpe le métal.:
>
>Reste plus qu’à polir et à percer le fond de 12 trous (le nombre minimum pour que les vis ne passent pas au travers d’un élément important du mouvement et pour que ça tienne quand même), et l’on a ça :
>
>Vous remarquerez au passage qu’ils ont transformé l’acier en or, la classe, non ?
>
>Ensuite, Christophe nous sort quelques exemples de guillochages, balèzes, on croirait du Vasarely.
>
>Ils nous racontent aussi comment ils procèdent pour les couronnes. Il serait bien trop difficile de faire fabriquer complètement une nouvelle couronne pour chaque nouvelle montre, alors ils ont fait fabriquer une couronne de base, sur laquelle ils sertissent une forme fabriquée par un bijoutier.
>
>
>Puis c’est au tour des aiguilles.
>Celles-ci leur posèrent un véritable problème, car il est très difficile d’acheter en petites quantités des aiguilles chez les X fabricants qui détiennent un quasi-monopole. En gros, si tu t’appelles pas Swatch, va jouer ailleurs !
>La solution : fabriquer aussi les aiguilles sur mesure.
>Cela ouvre la porte à toutes les formes et toutes ornementations :
>
>Les aiguilles de la Peter Pan en sont un bon exemple.
>
>Ils m’ont aussi raconté comment on plaçait les index sur un cadran.
>Non, non, ce n’est pas collé, on fait des trous dans le cadran dans lesquels sont enchâssés les index. Il faut jusqu'à 80 trous pour une montre avec des chiffres latins. Imagine, au 79eme, paf, ça dérape. Tout le cadran à la poubelle. C’est un métier dangereux, je vous le dis.
>
>Pour finir (il commençait à faire faim) on a regardé leurs réalisations en photos. Dommage, ce ne sont que des photos, mais c’est bien appétissant quand même.
>
>Celle là, c’est celle de Francesco. J’ai dîné avec elle mercredi soir.
>
>
>Au déjeuner, ils nous ont un peu raconté leurs parcours personnels. Ils sont tous deux ingénieurs de formation. Christophe travaillait pour un laboratoire pharmaceutique, où il jouait au Lego (c’est pas des blagues, il a créé une machine en fabriquant le proto avec des Legos) et Émile a travaillé pour diverses sociétés pour, actuellement, bosser sur les énergies renouvelables. Eh oui, les montres, ça nourrit pas toujours son homme, dans le cas présent, ça ne suffit pas à en nourrir deux.
>Ils se sont rencontrés par l’entremise de la femme de Christophe, qui connaissait Émile. Ils ont discuté le bout de gras à roue à colonne, se sont revus, et ont décidé de monter cette association.
>
>Leur première commande fut la " Virginie ". C’est une secrétaire du boulot de Christophe qui voulait offrir à son popa une jolie montre pour son départ à la retraite. Elle ne savait pas du tout ce qu’elle voulait. Enfin, il fallait quand même qu’il y ait des aiguilles, et que l’on puisse lire l’heure.
>Ça a donné ça
>pas mal, non !
>
>Voilà, en raccourcis, comment est née Golay-Spierer.
>
>Après, on a mangé un peu quand même, parce qu’on cause, on cause, mais ça refroidit.
>Comme on avait plus envie de se quitter, rendez-vous est pris pour plus tard dans l’après-midi avec Émile, pour continuer à discuter. Christophe, lui, il est puni, il a encore du boulot à faire.
>Rendez-vous est donc pris l’après midi (mais pas entre 15h30 et 16h30 car il bosse) au café " Les armures " dans la vieille ville.
>Dis Émile, ça a l’air sympa ton boulot. On travaille une heure par jour, tous les jours ? Y’aurait pas un poste à pourvoir ;-)
>
>À cette terrasse de café, Émile nous a parlé de la philosophie qui les anime (non, non, restez, c’est beaucoup plus intéressant qu’en terminale).
>Leur but est de contenter les gens pour qui ils travaillent, mais AUSSI ceux avec qui ils travaillent. La finalité est le plaisir partagé, l’échange, et non les sous sous qui tombent dans la caisse. C’est une notion pas si évidente à faire comprendre dans cet univers horloger très marqué par le mercantilisme, et ce fut surtout difficile de convaincre les entreprises et artisans avec qui ils travaillent.
>Mais, au final, c’est que du bonheur ! D’abord pour le client, mais ça, ça devrait toujours être le cas (en théorie). Mais aussi, et je trouve cela magnifique, pour les fournisseurs.
>Voir son travail reconnu est une notion si importante, et pourtant tellement négligée d’habitude.
>
>Émile nous a raconté plusieurs petites histoires à ce propos. Ils travaillent avec une grosse boîte qui leur fabrique les verres saphir sur mesure. Cette société, qui emploie 130 personnes, et qui fabrique plus d’un million de verres par an, ne comprenait pas l’intérêt de faire de l’anti-reflet sur les deux faces.
>Finalement ; ils ont accepté de faire un essai.
>Une fois le verre monté, Émile et Christophe sont allé montrer le résultat au boss de la société en question… C’était la première fois que quelqu’un venait lui montrer le produit fini avec ses verres ! Personne n’avait jamais pensé à lui montrer le résultat final.
>
>Autre exemple : Après deux ans à ce faire balader par Jaquet (fabriquant de mouvements), la société consent à leur confier 2 mouvements pour les monter dans des montres.
>Aussitôt la première montre terminée, Golay-Spierer met les photos en ligne, en indiquant la provenance du mouvement. Jamais personne n’avait fait ça. D’habitude c’est toujours " mouvement exclusif Bulgarigole 025 " ou " mouvement de manufacture Balai brosse ".
>
>La montre en question
>
>Depuis, ils peuvent avoir ce qu’ils veulent chez Jaquet J
>On a discuté encore comme ça pendant un long moment. Émile est un monsieur passionnant, intarissable et extrêmement cultivé, passionné par l’histoire de son pays et de l’horlogerie.
>
>Allez, une dernière histoire pour la route : savez-vous pourquoi l’arc jurassien est devenue une région horlogère ?
>Non, bon ben voilà ; cette région, qui va jusqu'à Besançon, était peuplée de paysans très pauvres. L’hiver étant fort rude, ils cherchèrent comment arrondir leurs fins de mois difficiles.
>Après quelques essais infructueux : la récolte de marmottes, le fromage de bouquetins et la transformation d’Edelweiss en opium premier choix, ils se tournèrent, au début de l’ère industrielle, et l’apparition des premières machines-outils, vers la fabrication de petites pièces et d’horlogerie.
>C’est ainsi qu’est née la vocation horlogère de la Chaux-de-fond.
>
>Voilà, c’est fini !
>Ce furent des moments extrêmement agréables, et je remercie mille fois Christophe et Émile pour leur hospitalité.
>Amitiés
>Photos prises sur leur site.
>PS : Si j’ai oublié des trucs, ou que je me suis trompé sur certains points, voir directement avec mon avocat : Maître Lafouine, bat. E, La Santé (c’est le même que JJ)
Réponses: