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Affaire Jaquet (suite)


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écrit par Laurent le 14 octobre 2003 13:26:45:

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Vraiment assuré, l'avenir de l'empire Jaquet ?

Article publié le 12 Octobre 2003
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Derrière le polar horloger de l'affaire Jaquet, un outil industriel de premier rang et ses 160 emplois tremblent sur leurs bases à La Chaux-de-Fonds. Cette semaine, après la fermeture de Jaquet SA pendant quarante-huit heures pour les besoins de l'enquête, les nouveaux actionnaires de la manufacture de mouvements horlogers à complication ont assuré tenir en main l'avenir de l'entreprise.

L'ombre d'Ernst Thomke ...
Si tout était si simple, pourquoi Ernst Thomke reste-t-il si discret sur son engagement dans les affaires de Jaquet ? Celui qui est devenu l'ennemi juré de Nicolas Hayek dans le monde horloger a vite compris le bénéfice à tirer de la réussite du patron chauxde-fonnier dans le haut de gamme. Il est donc soupçonné d'être derrière les investisseurs alémaniques qui ont racheté cette année 55% du capital de Jaquet SA pour plus de 11 millions de francs. Pour ne pas apparaître au grand jour et bien que majoritaires, ils ont maintenu le patriarche Jaquet comme administrateur unique de la société, ce qui pose évidemment des problèmes juridiques depuis son arrestation.

Cheval de Troie des nouveaux propriétaires, propulsé directeur général cette semaine, Frédéric Wenger assure, lui, qu' « Ernst Thomke n'a aucune action et aucun mandat dans notre entreprise ». Plusieurs sources proches de l'enquête affirment le contraire. Thomke ou pas Thomke, d'autres incertitudes hypothèquent l'avenir du joyau industriel Jaquet. Qui va continuer d'injecter des millions aussi généreusement que le patron déchu dans le développement de l'entreprise ? Et, surtout, les employés fidélisés par Jaquet vont-ils accepter la greffe zurichoise ou s'en aller ? En ce moment, ce sont ce genre de questions qui font tic-tac à La Chaux-de-Fonds et dans toute l'horlogerie ...

Le Matin Dimanche / L.R. / www.lematin.ch

Sur les traces du Pharaon de l'horlogerie
L'affaire Jaquet a éclaté cette semaine, et on croit déjà au démantèlement d'un vaste réseau mafieux de montres de luxe.

Jean-Pierre Jaquet. Baron des montres à complication, âme damnée du luxe horloger en Suisse, cet enfant de la métropole horlogère va devoir s'expliquer sur les lourdes charges qui pèsent contre lui. Il est soupçonné d'avoir dérapé dans de sordides brigandages et d'avoir alimenté le juteux commerce des contrefaçons de montres de luxe. La boîte à fantasmes de l'univers horloger est ouverte, rien n'est encore prouvé. Mais les dessous de l'ascension et de l'arrestation de celui que le milieu surnomme le « Pharaon » valent leur pesant d'or.

Mardi, aube glacée à La Chaux-de-Fonds. Des policiers, armes au poing, s'apprêtent à arrêter au saut du lit le Pharaon. Jean-Pierre Jaquet, rugissant quinquagénaire, se sait filé depuis longtemps déjà. Il en a rigolé dans les bars de la ville, où il aime exhiber ses liasses de billets de mille, offrir du champagne et entretenir l'arrogance de sa réussite. Le Pharaon s'est aussi mis à porter une arme sur lui, parce que des menaces de mort planeraient sur sa famille, parce que des coups de feu ont même été tirés dans son usine, joyau de l'horlogerie suisse, qui fournit les plus grandes marques en mouvements à complication.

Freddy Rumo, l'avocat du patron arrêté, justifie ainsi le port d'une arme. La juge d'instruction Sylvie Favre, qui resserre les mailles de son filet depuis des mois autour de Jaquet, confirme que « la police est intervenue en raison du risque d'actes violents ». Ce fameux mardi matin, après une série d'arrestations ? une dizaine, qui se sont accélérées ces dernières semaines ?, c'est donc le tour du Pharaon. Il regarde par la fenêtre, voit des flics se cacher et prend le temps de savourer son heure venue: « Bandes d'imbéciles, pas besoin de vous planquer, je vous ai vus !»

Un vrai caïd, cet antiquaire passé maître dans l'art des complications et autres combines moins avouables.

Jean-Pierre Jaquet a peut-être moins rigolé, quelques mois auparavant, lorsque des malfrats, et non pas des flics, l'ont cueilli une nuit dans un cabaret des Montagnes neuchâteloises, le Butterfly. Un ressortissant italien établi en Suisse, Monsieur D ., y a envoyé trois hommes de main venus d'Italie. Ils ont passé le Pharaon à tabac. Ce dernier a fini à l'hôpital, ses agresseurs en prison préventive. Le hic, c'est qu'à aucun moment Jean-Pierre Jaquet n'a porté plainte, ce que son avocat confirme. De quoi finir d'intriguer les enquêteurs et d'alimenter son inculpation pour « brigandage, subsidiairement instigation à brigandage ».

Au moins deux coups sont visés: le vol de boîtes en or destinées à Rolex par le biais de l'entreprise de polissage Miranda, à La Chaux-de-Fonds, en janvier 2002, ainsi que le vol de 12 kilos d'or dans une usine du Locle en juin 2002. On se frotte les yeux, on se demande pourquoi un patron riche à millions aurait basculé dans pareil polar. Seule explication plausible avancée jusqu'ici: l'appât du gain via la filière des contrefaçons de montres.

La « falsification de marchandise » fait d'ailleurs partie des chefs d'inculpation. On évoque par exemple la « filière italienne » des fausses Rolex. Mais cet aspect de l'enquête se révèle pour l'instant le plus faible. Reste ces braquages violents derrière lesquels se cacherait Monsieur D. et dont le commanditaire et complice ne serait autre que Jaquet. Ce dernier s'en défend avec sa légendaire superbe. Les enquêteurs, eux, semblent faire de l'épisode du Butterfly une preuve décisive de la relation d' « affaires » entre Jaquet et ses agresseurs, ces derniers l'ayant violenté pour obtenir l'argent qu'il leur devait, un classique de série B.

« Les accusations portées contre mon client risquent fort de se dégonfler comme une baudruche, avertit Freddy Rumo. Mon client est lynché en raison de son passé. »

La légende du Pharaon, parlons-en. Quand il donnait surtout dans les antiquités, il y a une vingtaine d'années, Jean-Pierre Jaquet a passé environ deux ans en prison, à Bellechasse. Il a su rebondir, s'appuyer sur un solide réseau d'amitiés, du petit polisseur José Miranda, lui aussi arrêté ces derniers jours, à Frank Muller, devenu une référence ultime du haut de gamme horloger et client de l'usine Jaquet. Le génie industriel et le goût immodéré pour les affaires de Jean-Pierre Jaquet ont fait le reste.

Il a beau avoir refait une année à Bellechasse dans les années 1990 pour une affaire de recel de mouvements de montres, son ascension dans le monde horloger reste spectaculaire. Cette réussite lui a attiré les foudres de Nicolas Hayek, et, à l'inverse, l'attirance d'Ernst Thomke, qui s'est mis en affaires avec le Pharaon. Son arrestation en fait trembler plus d'un dans l'univers du tic-tac made in Switzerland. Il a fait des affaires avec tous, et certains se bouchent un peu facilement le nez aujourd'hui. L'horlogerie dans son ensemble a-t-elle d'ailleurs intérêt à ce que la justice tire trop loin le fil de l'affaire Jaquet ? Le Pharaon pourrait bien rebondir une fois encore, dans une éternelle résurrection avec rechute en prison, mais pas pour trop longtemps ...

Le Matin Dimanche / Ludovic Rocchi Patrick Di Lenardo / www.lematin.ch

Hayek: « Un effet dévastateur »
« Nous risquons de perdre notre lustre: de l'Europe à l'Asie, l'honnêteté des horlogers suisses sera mise à mal, même si 99% d'entre nous sommes une race d'artisans nobles. » Au siège biennois du Swatch Group, Nicolas Hayek (75 ans) suit de très près l'enquête menée par « une juge courageuse ». Douze mois avant l'arrestation de Jean-Pierre Jaquet, il égratignait déjà l'industriel chaux-de-fonnier en brandissant de fausses Rolex: « Les ébauches qui viennent de chez nous ont été terminées par Sellita ou Jaquet. »

L'accusation était réfutée tant par le PDG de Sellita que par Jean-Pierre Jaquet: « M. Hayek laisse entendre que nos deux maisons fourniraient des mouvements pour la fabrication de fausses montres de luxe. Nous rejetons cette accusation de manière catégorique. » Cette polémique se greffait sur un enjeu économique vital: la décision du Swatch Group de ne plus livrer d'ébauches aux assembleurs de mouvements dès 2006.

Qui dénonçait le Swatch Group pour abus de position dominante auprès de la Commission de la concurrence (Comco )? Sellita et Jaquet ! « Si vous contrôlez les mouvements, vous contrôlez les marques », pestait Jean-Pierre Jaquet. Accusé de vouloir dominer toute l'horlogerie, Nicolas Hayek se présentait comme le pourfendeur des contrefaçons. Aujourd'hui, le gourou horloger déplore: « Nous sommes contraints par la Comco de livrer des ébauches à ce monsieur. »

Le Matin Dimanche / Vincent Donzé / www.lematin.ch


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