La Reverso : coucou ? il n'y a personne pour une belle histoire de montre ?


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écrit par Xav le 07 avril 2002 16:46:28:

J'en profite que vous êtes tous allés vous promener au soleil pour vous écrire cette belle petite **histoire dans l'histoire** de la Reverso de Jaeger Le Coultre.

Nous connaissons tous, ou presque, l'histoire de ce qui inspira la Reverso : un génial homme d'affaires passionné de montres qui a l' idée, en voyant un match de polo en Inde, de créer une montre qui protège son verre en se retournant pour offrir aux chocs son dos d'acier : la première montre de sport née en 1931 ?

Mais aujourd'hui, je voudrais vous raconter autre chose, à la limite de plus passionnant, que j'ai appris en lisant le volumineux ouvrage *Reverso la légende vivante* : l'histoire du succès de cette montre n'a tenu qu'à un simple coup de fil.....il était une fois ......

...En 1972 c'est le début de l'ère du quartz japonais et Jaeger LeCoultre, comme les autres manufactures, fait le gros dos et souffre. Le déclin est inéluctable et les produits, certes glorieux comme la Reverso qui existe donc depuis 1931, sombrent dans l'oubli: l'horlogerie mécanique se meurt doucement.

Un coup de téléphone retentit dans le bureau du Directeur de JLC c'est Léon Constantin, une sorte de dir com itinérant, qui rentre d'Italie et qui veut parler au Directeur de la Manufacture.
Il s'est entretenu avec Giorgio Corvo, distributeur exclusif de JLC en Italie et la discussion a porté sur le stratégie commerciale, les perspectives en ces temps pour le moins difficiles....

L'Italie a toujours eu une place de choix auprès de JLC, car nous savons que c'est toujours aujourd'hui d'ailleurs un marché de réels amateurs d’horlogerie, et c’est un peu le banc d’essai pour l’innovation car la clientèle de Milan Turin et Rome est très exigeante et ce qui marche chez eux a de bonnes chances de plaire dans le monde entier.

Donc retour en 1972 et le Directeur de JLC est absent. Qu’à cela ne tienne, Léon Constantin demande à la secrétaire de de se renseigner sur ce qu’il reste en stock concernant la Reverso.
Le lendemain on lui communique le chiffre : 200 boîtiers d’acier, mais plus un seul mouvement, il rappelle l’Italie et deux jours après le distributeur exclusif se décide : *je les prends tous*

C’est la consternation au Sentier ! on demande de bien vouloir confirmer la commande ce qu’à Milan on fait immédiatement.
Mais les Suisses sont des gens sérieux et compte tenu des liens les unissant avec leur distributeur italien ils vont tout faire pour le dissuader !!!
* Pourquoi acheter ces vieux stocks de boîtiers ? Savez vous que nous avons arrêté la fabrication du calibre qui équipe ces Reverso et qu’il est hors de question de reprendre la production compte tenu de la conjoncture !* ( rappelons nous nous sommes en pleine période du quartz triomphant )

Mais notre ami italien connaît ses clients et il sent la tendance de la renaissance du goût pour l’art nouveau par la création de bijoux, d’objets de meubles qui ne sont que des copies alors qu’un trésor original comme la Reverso dort tranquillement dans les vieilles boites de la manufacture en Suisse.

M CORVO pensait à juste titre que les collections de JLC à l’époque étaient très poussièreuses et qu’il fallait absolument trouver quelque chose, une montre qui pourrait réveiller l’intérêt des vieux clients fidèles pour redonner du lustre à la vieille manufacture et il avait pensé à la Reverso.

Il s’est donc ensuite rendu lui même en Italie pour demander aux Horlogers de remettre en marche la machine, au moins pour fournir un mouvement aux 200 boites restantes... *Impossible*

Donc il est rentré à Milan, à demandé à son atelier de relever le défi, ces derniers ont tout simplement mis un petit mouvement rond de grande série dedans et la semaine suivante il est retourné en Suisse
*Regardez, c’est faisable , ça marche !*

Les techniciens suisses ont bien sûr tout de suite vu que c’était du bricolage et que cela ne leur prendrait pas beaucoup de temps pour faire rapidement un mouvement ovale qui ....1 mois après l’expédition à Milan toutes les Reverso de la renaissance étaient vendues.

Mais l’histoire n’est pas fine.

En effet au début de la création de la Reverso ce furent les mouvements qui manquèrent et JLC eu recours à des fournisseurs extérieurs pour garnir ses Reverso mais en 1972 c’étaient maintenant les boites qui manquaient !

Le vieux fabricant exclusif genevois avait arrêté la production et tous l’outillage, les plans les schéma etc. avaient disparus; et Giorgio Corvo voulait toujours des Reverso mais cette fois en or pour sa clientèle de collectionneurs et d’amateurs !

Six ou sept entreprises genevoises furent contactées mais aucune n’a donné suite à un tel projet : reconstruire à partir d’un vieux modèle un nouveau boîtier réversible....Cela mis pourtant donc de long mois car recréer puis reconstruire un tel mécanisme n’était pas chose facile et les coûts de développement augmentaient à une vitesse vertigineuse et cela en pleine période de récession dramatique pour l’horlogerie traditionnelle ...

Il se passa donc trois longues années avant que M CORVO puisse enfin fournir à ses meilleurs revendeurs la première Reverso en or de la **renaissance**
Ces montres étaient si rares qu’en obtenir une était considéré comme un énorme privilège....( Ça ne vous rappelle rien ?.....)

Évidemment toutes les figures de l’intelligenzia italienne des arts du show biz de l’industrie portaient la Reverso : Agnelli, Ferrari etc. tout ce qui comptait en Italie à cette époque.

Mais les dirigeants de JLC ne pensaient toujours pas que ce succès sortirait des frontières de l’Italie ! D’autant plus que le système de boîtier avait encore quelques lacunes et ils pensaient même qu’a défaut de jouer en la faveur de la manufacture cela risquait plus de nuire à la réputation de qualité de Jaeger LeCoultre !!!

Néanmoins au début des années 1980, devant le succès grandissant de la Reverso, Jean Lebet directeur technique de la manufacture décida de prendre le taureau par les cornes * Puisque c’est ainsi , nous la fabriquerons nous mêmes maintenant !*

Puis on sait ce que cela donnera .... la renaissance parallèle, grâce à Blancpain notamment, de l’horlogerie mécanique et une manufacture Jaeger LeCoultre rayonnante de santé mais je ne peux m’empécher de le dire dont la ligne master est parfois un peu ... ancienne non ce n’est pas ça ...les mots sont durs à trouver....
Depuis la Reverso a célévré son 90 anniversaire dans la dernière décennie avec des séries exceptionnelles en or rose

et maintenant JLC attaque le soixante dixième anniversaire avec le platine et la platinum one squelette et bientôt la **septantième** avec une boite encore plus grande , une grande date une reserve de marche etc etc .....

On est bien loin aujourd'hui de 1972...;

Bon, en tout cas au prochain SIHH de Genève certainement encore des nouveautés et on attend beaucoup du Master Compressor, une montre de plongée JLC, pour redonner si besoin était du souffle à cette collection.

En conclusion de ce beau conte de fées, on peut dire que c’est assez crédible car moins glamour et moins héroîque que l’outillage du mouvement El priméro caché dans son garage par un horloger rebelle de chez Zenith.

On perçoit bien les difficultés de certains visionnaires pour faire aboutir des idées un peu innovantes (faire du neuf avec du vieux !) devant une inertie suisse qui ne devait pas être facile à bouger, mais aujourd’hui les faits sont là : heureusement qu’il y a des suisses pour fabriquer ce que des français dessinent et que des italiens révent... (et vice versa !)
:-)
c’était une belle histoire non ?


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