La montre en plastique, souvenir de Naples


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écrit par danglars le 24 septembre 2006 09:16:29:

Article du Monde du 22/09/06

Le cadeau peut sembler insolite : les touristes séjournant dans un hôtel napolitain cet automne recevront, en cadeau de bienvenue, une montre sans valeur, en plastique. Ils pourront la placer à leur poignet durant la visite des rues étroites de la ville, leur montre personnelle demeurant en sécurité dans le coffre de l'hôtel. L'opération a été imaginée par l'office de tourisme de la région de Naples, soucieux d'éviter aux visiteurs le désagrément d'un vol à l'arraché.

Un livret distribué avec chaque montre se chargera de l'expliquer, en six langues : "Vous voici dans la ville des merveilles. Nous vous suggérons toutefois de ne pas ajouter aux nombreuses et belles surprises que vous allez découvrir le déplaisir d'une mauvaise surprise."

La "microcriminalité", comme on appelle en Italie les menus larcins visant les téléphones portables, montres ou lunettes de soleil, constitue à Naples un désagrément tenace. Cet été, les Rolex, objet d'un trafic intense, étaient particulièrement convoitées par les voleurs. "Deux hôteliers de la ville, voici deux ans, avaient distribué des montres sans valeur à leurs clients, raconte le socialiste Marco Di Lello, chargé du tourisme à l'exécutif de la Campanie, région dont Naples est la capitale. Nous avons relancé l'idée. C'est une manière amusante de mettre en garde contre l'insécurité."

Pour être sûr que les visiteurs conservent un bon souvenir de la ville, les montres représentent une pizza, le Vésuve ou de célèbres monuments napolitains. Les dessins, six modèles en tout, sont l'oeuvre d'artistes locaux, tels que les peintres Sergio Fermariello ou Oreste Zevola.

L'opération a été annoncée en mai. Toutefois, Naples ne serait pas Naples s'il n'avait fallu plusieurs mois pour passer de la théorie à la pratique. Les formalités administratives ont traîné, les artistes ont tardé à donner leur accord et la fabrication n'a pu débuter que très récemment. Mille deux cents exemplaires ont toutefois été livrés en juillet. "Trois mille montres sont actuellement en circulation", assure M. Di Lello, qui promet qu'à Noël, elles seront plus de 10 000.

Gratuites pour les touristes, les montres ne le sont pas pour les hôteliers, qui doivent débourser 6,70 euros hors taxe par unité. "Jusqu'à présent, les hôtels ont été pourvus en fonction de leur standing et du nombre de chambres", explique Pasquale Gentile, président de l'Association des hôteliers napolitains. "Nous en avons obtenu deux, ajoute Lucio Boccalatte, directeur de l'hôtel Villa Medici, qui compte quinze chambres. C'est très insuffisant, d'autant que nous ne savions pas, au départ, s'il fallait donner les montres ou seulement les échanger, le temps du séjour, contre l'objet de valeur."

L'initiative ne fait pas l'unanimité, notamment parce que tout ce qui touche à l'insécurité reste éminemment politique. "C'est absolument inutile, a estimé le conseiller communal Vicenze Moretto, de l'Alleanza nazionale (droite). On explique aux gens quels lieux ils doivent éviter, mais, en pratique, c'est toute la ville qui est concernée."

Une autre critique s'élève : faut-il vraiment faire la promotion touristique en insistant sur le risque d'agression ? "C'est vrai, l'opération peut donner une image négative de la ville, juge M. Gentile. Mais elle s'accompagne d'un effort pour limiter l'insécurité." Le livret distribué avec les montres propose une série d'itinéraires "sécurisés" au long desquels des caméras ont été posées. Las, pour l'heure, une partie de ces caméras ne fonctionne pas. Certaines ont été cassées, d'autres filment désormais le ciel et non plus la rue...

Depuis le mois de mai, à force de se faire attendre, les fameuses montres ont pris de la valeur. "Plusieurs clients étrangers m'ont appelé pour me demander de leur en réserver une", dit M. Boccalatte. "Ce sont des objets de collection", n'hésite pas à affirmer M. Di Lello. Dans quelques semaines, peut-être, des touristes se croyant enfin en sécurité porteront au poignet une montre en plastique convoitée par les voleurs à la tire.
Olivier Razemon
Article paru dans l'édition du 22.09.06



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