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Re: tritium et santé no probleme suite et fin...


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écrit par Fred le 18 janvier 2005 16:32:21:

en réponse à: tritium et santé, méfiance... écrit par Fred le 17 janvier 2005 19:08:00:

Lire l'heure la nuit

Le retour du tritium

Dès le début du XXe siècle, les aiguilles et cadrans luminescents au radium et tritium permettaient de consulter sa montre dans l’obscurité. Mais depuis les années 60, les matières radioactives inquiètent les consommateurs. Et les solutions de remplacement ne sont pas toujours satisfaisantes. Une entreprise suisse a trouvé une solution élégante : enfermer une très faible quantité de tritium gazeux dans de minuscules tubes de verre. Aucune radiation, et un éclairage permanent qui dure au moins dix ans.

Francis Gradoux

Depuis que les garde-temps existent, les horlogers s’attaquent à un irritant problème : comment lire l’heure la nuit ? Soldats, mais aussi insomniaques et promeneurs nocturnes ont besoin de savoir l’heure dans l’obscurité. Longtemps, il n’a existé que trois technologies : la sonnerie à répétition, la chandelle ou le cadran ouvrant permettant de tâter les aiguilles du bout des doigts – les « montres braille ». Evidemment, aucune n’était vraiment pratique.

En se préparant à la Première Guerre mondiale, dans toute l’Europe, des horlogers se souviennent alors de la grande découverte de la fin du XIXe siècle : la radioactivité, démasquée par Henri Becquerel, puis Pierre et Marie Curie qui découvrent notamment le radium luisant faiblement dans l’obscurité.

Aussitôt, ce « phosphore » est appliqué sur les aiguilles et les cadrans des montres d’officiers qui président à la grande boucherie ; ils en sont ravis.

L’approche de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi le goût des voyages et des sports donnent alors un nouvel élan aux montres lumineuses. En Suisse, des ouvrières appliquent au pinceau ce qu’elles nommaient « la colle » : un mélange de sulfure de zinc, de sels de radium et de vernis. Puis la formule est améliorée : on ajoute au radium d’autres matières radioactives comme le prométhéum, le mésothorium et le tritium. Après la guerre, les montres lumineuses deviennent banales ; leur passé guerrier évoquant l’aventure et la plongée sous-marine fait fureur jusque dans les salons.

Au fait, pourquoi les aiguilles brillent-elles la nuit ?

La luminescence se produit lorsque les électrons d’une molécule sont excités par un événement extérieur qui leur apporte de l’énergie supplémentaire. Cet événement peut être une lumière ultraviolette (la fameuse « lumière noire » des discos), une réaction biochimique (le ver luisant), ou la radioactivité. Dans tous les cas les électrons surexcités ne peuvent se calmer qu’en rejetant une partie de cette énergie, sous la forme d’un photon – un grain de lumière.

Pour lire l’heure la nuit, la radioactivité semblait parfaite : toujours présente, ne nécessitant pas d’électricité ni de réaction chimique, elle transformait à bon marché une montre en compagne rassurante et pratique.

Guerre atomique et précision

Mais ensuite, il y eut Hiroshima et Nagasaki, et le monde commença à se méfier de l’atome. Dès le début des années soixante, d’abord pour protéger les ouvrières, la plupart des Etats, dont la Suisse, réglementent l’utilisation des matières radioactives. Peu à peu, le radium et le prométhéum disparaissent et il ne reste que du tritium sur les aiguilles et cadrans lumineux.

En effet, le tritium, un isotope de l’hydrogène, n’émet que de minuscules quantités de radiations, sous forme de rayonnement bêta, le moins « dur », arrêté par une feuille de papier à cigarettes. Dans une montre, tout rayonnement reste confiné par la boîte et la glace. Même en posant un doigt sur une aiguille au tritium, les cellules ne reçoivent aucun rayonnement, puisque qu’il est arrêté par le premier micron de l’épiderme.

Reste un risque, très théorique, d’avaler ou de respirer du tritium, mais il est rare que les consommateurs hument ou mangent une poignée d’aiguilles lumineuses. La très officielle commission internationale de protection radiologique (ICRP) précise que le tritium « présente des risques nuls » et « il apparaît très irréaliste qu’une contamination cutanée puisse avoir un impact sanitaire. »

Mais Mai 68 approche et l’impact psychologique prend le pas sur toute autre considération. Le tritium est une source de radioactivité, il est donc forcément nocif, pensent beaucoup de braves gens. Crainte confortée par des réglementations qui se multiplient dans tous les pays, et un événement inattendu : le changement d’unité de mesure de la radioactivité.

Jusque-là, elle était mesurée en Curies (Ci) et milliCuries (mCi). Le tritium des montres ne dépassait pas un rayonnement bêta de 0,25 milliCuries. Lorsque la curie est remplacée par le becquerel (Bq), le tritium devient alors très inquiétant, puisque les mêmes 0,25 milliCuries deviennent 925 millions de becquerels ! C’est pareil, mais ça jette un froid.

Dès lors les antinucléaires les plus intégristes comme la fameuse CRIIRAD française – organisation privée qui traque le moindre becquerel et veut faire interdire toute radioactivité – peuvent dénoncer les « montres radioactives » capables de « contaminer des consommateurs à leur insu » ! Ces montres n’ont pourtant jamais provoqué le moindre début d’accident, même lorsqu’elles contenaient encore du radium. Et comme le tritium perd la moitié de sa radioactivité tous les 12,4 ans, il disparaît totalement en quelques décennies – pas de problème durable de déchets, donc.

Mais, même non « contaminés », dans les années 70 les consommateurs commencent à bouder les montres lumineuses et les horlogers cherchent à remplacer le tritium. Deux firmes japonaises, Nemoto et Seiko, proposent alors le Luminova et le LumiBrite, deux substances luminescentes non radioactives.

Avec ces vernis, l’événement extérieur qui excite les électrons et les pousse à éjecter des photons est tout simplement la lumière naturelle. Exposés pendant le jour, Luminova, Lumibrite (et maintenant Superluminova) se « chargent » d’énergie et relâchent des photons pendant la nuit. Parfait ! Mais, cette luminescence ne dure que quatre à six heures, et suppose que le cadran ait été longuement éclairé auparavant. Une montre couverte par une manche de chemise ou sommeillant dans une chambre peu éclairée ne luira pas la nuit. Mal pratique pour les soldats ou les adeptes du complet veston…

Alors, le tritium, garantissant une forte luminescence jour et nuit pendant plus de dix ans, est revenu.

Une société suisse, MB-Microtec à Niederwangen (BE), a trouvé la solution : le tritium sous forme gazeuse est enfermé dans de petites ampoules de verre scellé, recouvert à l’intérieur d’une matière luminescente. Le tritium ne luit pas directement, mais apporte son énergie à la matière fluorescente et l’excite, comme l’électricité exciterait un minuscule tube fluorescent.

Ainsi, la très faible radioactivité du tritium est confinée. Ce qui change tout. Les montres commercialisées sous le nom de Traser sont lisibles jour et nuit pendant au moins dix ans et n’émettent aucun rayonnement, si inoffensif soit-il. Au point que la très sourcilleuse Nuclear regulatory commission américaine les accepte pour équiper les soldats des forces spéciales de la Navy, qui en commande aussitôt 500 000 pièces à la firme suisse. Puis la Grande-Bretagne, la Suisse et la France autorisent à nouveau la vente de ces nouvelles montres au tritium. C’est le début d’une renaissance, qui profitera à l’horlogerie suisse, capable de fabriquer des aiguilles et cadrans lumineux permanents, sans provoquer la crainte, même irraisonnée, des consommateurs

Voilà, ça rassure! En tout cas ce sujet aura permis à certain de se défouler...

Fred


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