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Mini revue : Montre Louis Berthoud (XIXème sciècle)


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écrit par Nicolas le 16 janvier 2004 12:47:28:


Mini revue : "Mon Bijou de Famille" ou "la CHI de mon Arrière-Arrière Grand'père"

En 1980, je suis un jeune adolescent. Je passe la fin des vacances d'été dans l'Est de la France, région d'où
est originaire une partie de ma famille.
Un matin, ma grand'mère, qui a 95 ans aujourd'hui, me prend par l'épaule et me dit :
-Mon petit, toi qui aime les montres, je vais te donner quelque chose...

Et la voici qu'elle me tend un objet que je n'avais encore jamais vu auparavent : une montre de gousset.
- Elle a appartenu à mon grand'père qui l'a achetée, mon père s'en est servi et aujourd'hui, je te la donne.
Fais-en bon usage mon Chéri. Prends-en bien soin, elle doit être précieuse puisqu'elle est en argent...

- Oui mamie... répondis-je.

J'étais un peu étoudi par les années qui se mettaient d'un coup à remonter dans mon esprit : cette montre
avait été acquise par un monsieur qui avait fait la guerre aux côtés de Napoléon III contre
la Prusse... Je n'arrivais plus à compter... Ce monsieur aurai pu serrer la louche de Van Gogh, Degas,
Manet, Toulouse Lautrec et aurai pu changer les langes de Jeanne Calment... Incroyable !
Encore aujourd'hui, je suis ébahi.

Elle était très sale, ceci à cause du matériau très oxydé, et ne fonctionnait pas.

Ma grand'mère de continuer :
- Tu sais mon Chéri, je ne me souviens plus l'avoir vu fonctionner, elle a été bloquée par mon papa dans les
tranchées de la Guerre de 14/18. Je pense qu'il faut que tu la conserves dans cet état car une réparation ne
me semble pas possible.

- Oui mamie... répondis-je.

C'était encore plus fou : cet oignon avait résisté à deux guerres, dont la plus dure historiquement reconnue.
Elle avait même été gazée...
Il était normal qu'elle se trouve dans cet état.

J'aimais déjà les montres, mais j'étais avant tout fixé sur les montres multi-cadrans de poignet.
Mon rêve était de posséder un chronographe. Comme j'étais bien élevé, je n'ai pas montré ma petite
déception et j'ai chaudement remercié ma grand'mère pour ce témoignage de confiance qu'elle me faisait.

Je me retrouvais alors gardien d'un trésor de famille qui ne fonctionnait pas et qui était................moche !
Il fallait que je m'occupe de la remettre en route. Au moins, ça sera amusant de la voir fonctionner
pour la montrer aux copains.

C'est la veille de la rentrée scolaire et je rentre chez moi. Je décide de réparer mon oignon chez un petit
horloger voisin. Cet amateur la massacre plutôt qu'autre chose : il me la rend en état de marche mais avec
l'aiguille des heures brisée. Quand à la marche, elle fonctionne mais ce n'est pas un modèle de précision.
Elle prend plusieures minutes par jour ! Pfffff...

Déçu à l'extrème, je la range dans un tiroir et n'y touche plus.

Un jour, quelques années plus tard, en regardant un grand classique du cinéma français des années 60,
"les Tontons Flingueurs", je découvre qu'elle est le travail d'une grande lignée d'horlogers très
connus : Les Berthoud.
Pour ceux qui connaissent bien le film, il s'agit de la scène de demande en mariage de la nièce de
Fernand Naudin, Patricia, par le père d'Antoine de La Foy. Amédée de La Foy est passionné d'horlogerie
et découvre, posée sur une cheminée, une horloge fin XVIIIème signée "Ferdinand Berthoud"...

Aussitôt, je me dis :
- "Berthoud", c'est la signature apposée au dos du mouvement de ma montre...

Me documentant sur ces horlogers, je découvre que la montre est vraissemblablement l'oeuvre de l'atelier
parisien du neveu du grand Ferdinand : Louis Berthoud. Louis Berthoud est considéré commele créateur
du chronomètre moderne. Il a travaillé comme chef d'atelier chez son oncle et s'est très vite aperçu que
les principes de Le Roy étaient les bons. Il a réalisé en 1786 une montre qui figure comme le prototype des
chronomètres modernes.

Je me décidais donc à ressortir cette montre que j'avais très injustement écarté. Je fis remettre une aiguille
des heures et je me mis à la concidérer comme un véritable petit héritage. Concernant la précision, mon
horloger me confirme qu'il n'y pas grand chose à faire et qu'il vaut mieux la laisser tranquille. C'est une très
vieille Dame. Et après tout, cela en ajoute à son charme de vétérante !

La montre:

Ici : à Côté de la Speed, pour une idée de l'échelle.
Elle mesure 52 mm de diamètre (hors anneau), 22 mm d'épaisseur et pèse pas loin de 200 grammes !
Nous sommes loin de la miniature.


La boîte de la montre est en argent massif poinsonné à multiples reprises.
Le cadran est en émail blanc plutôt épais et laisse apparaître un trou vers 1h30 : il sert à remonter la montre.
Les chiffres romains sont très finement peints.
L'aiguille des minutes est surmontée d'un carré de la même section que celui du remontoir.
Il sert au réglage de l'heure. Ainsi, on ne touche pas les aiguilles lorsqu'on veut la remettre
à l'heure. On a l'impression de s'occuper d'une mini horloge !


Au dos : la boîte est guillochée avec une sorte de rose stylisée en son centre.


En déclipsant le dos, on apercoit la platine du mouvement ornée d'un magnifique "coq" ciselé
très finement.
Le coq sevait de pont de balancier. La petite clavette qui recouvre son centre est pivotante et
permet, lorsqu'on la pousse, d'arrêter la montre. C'est que cela ne devait pas être évident de
dormir avec un engin pareil posé à côté de soi !
Dessous se trouve un disque gradué permettant le réglage de l'avance et du retard (!).


Le mouvement est monté sur une petit charnière qui lui permet de pivoter à 90 degrés par rapport au
chassis de la boîte. Elle s'ouvre complètement pour laisser apparaître tous ses charmes.
On aperçoit également le bombé extrème de l'imposant verre.


Sur ce cliché, on voit bien la très(déjà à l'époque)prestigieuse signature, gravée sur le bord de
la platine : "Berthoud A PARIS"


Ici, nous apercevons ce qui entraine la marche de la montre : non pas un ressort mais une micro chaîne
(semblable à celle d'un vélo) qui se tend sur une sorte de galet à diamètre variable lorsqu'on la remonte
à l'aide de la clé...
On aperçoit également le travail de la tranche de la montre, tout en cannelures.


Une autre vue du mouvement à travers le chassis de la montre...

Et voilà comment un vieil oignon de presque 150 ans sort de l'oubli grâce au cinéma et à Lautner.
Berthoud, quel homme ! Et quel artiste !
Et ma Grand-Mère, quelle collectionneuse !

Merci Mamie ! Je t'embrasse très fort. Je t'aime.

Amitiés à vous les amis,
Nicolas.



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