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Horlogerie: entre abus et passion


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écrit par servatempus le 25 avril 2003 22:11:57:

J'ai originellement écrit ce texte pour les participants du forum de worldtempus. Je crois bon d'en faire profiter les lecteurs de ce forum.

Amicalement

Servatempus

En regardant l'évolution des catalogues des maisons horlogères sur de longues années, il est possible de voir comment se modifie la politique commerciale et tarifaire d'une maison.

Beaucoup de ceux qui découvrent le monde de l'horlogerie s'imaginent que les prix et les secteurs ciblés par les marques les plus connues ont toujours été les mêmes au travers du temps. Qu'ils sont en quelque sorte immuables.

C'est faux.

A titre d'exemple, Jaeger, dans les années 50, était une maison horlogère qui produisait des montres d'excellente facture. Mais ce n'était pas une maison qui ciblait exclusivement une clientèle aisée et privilégiée, ce qui est clairement le cas aujourd'hui avec des entrées de gamme dans le mécanique à 3 000 euros.

La mémoire des communicants est très sélective...

D'ailleurs, il est étrange de constater combien les modèles en or jaune sont souvent mis en avant dans les catalogues horlogers alors qu'une grande partie des montres produites et vendues ont, pour beaucoup de marques, été d'abord confectionnée dans l'acier. Comme si l'or rendait le passé toujours un peu plus précieux...

L'horlogerie est un secteur qui bouge énormément depuis quelques années et beaucoup d'enseignes, d'un catalogue à l'autre, éliminent des modèles, changent leurs tarifs et embellissent leur histoire pour mieux faire passer la pilule lorsqu'il s'agit de "passer à la caisse". Elles peaufinent leurs techniques commerciales.

De même, selon le contexte, une marque peut être considérée d'un meilleur rapport qualité/prix qu'une autre à une période donnée, et puis 5 ans après, être jugée vraiment trop chère par rapport à la même enseigne. L'ambiance globale d'un marché détermine aussi, c'est vrai, le bon rapport qualité/prix d'une marque.

Evidemment, la personne qui n'est pas du métier ou qui n'est intéressée que ponctuellement par l'horlogerie ne fait guère attention à ces petites évolutions qui, sur le long terme, peuvent devenir conséquentes.

De même, les connaisseurs eux aussi peuvent avoir la mémoire un peu lâche à long terme et c'est normal. Il n'est pas toujours aisé de se rappeler des faits exacts et précis sans se référer à des documents concrets.

En ce qui me concerne, je regrette beaucoup d'avoir jeté certains catalogues que je jugeais un peu trop vieux sur le coup, ainsi que les listes tarifaires de certaines marques que j'avais stocké avec le temps ...

Mais sur certains points, ma mémoire ne me fait pas encore complétement défaut comme certaines de mes informations.

Ainsi, à titre d'exemple, on peut rappeler qu'il y a encore moins de 20 ans, Jaeger proposait des modèles de montre à quartz d'un prix plus qu'abordable à l'époque, modèles qui ont progressivement disparu du catalogue dans les années 90 alors que les prix montaient lentement.

Jaeger se cache bien, aujourd'hui, de rappeler à ses clients l'existence de ces modèles.

Normal quand on sait qu'il y a 2 ans une Reverso Grande Taille coûtait 3500 euros et qu'après l'augmentation de prix de Jeager d'avril 2001, elle vallait 4100 euros.

Prêt de 600 euros de hausse. 4 000 francs français d'augmentation en une seule fois.

Je ne suis pas contre les hausses tarifaires, elles sont normales sur le temps: inflation, hausse des matériaux, coût de la main d'oeuvre, etc... Mais celle-ci représente quand même + de 20 % d'augmentation du prix de vente. Pour ma part, je doute franchement que ce coût ne comprenne que les hausses d'usages...

Quoiqu'il en soit, il fait toujours mauvais genre d'avoir de telles pratiques commerciales alors que quelques années auparavant on produisait encore des modèles quartz...

C'est que le mécanique, sous prétexte d'être du mécanique, possède une mystèrieuse aura qui peut faire grimper jusqu'à 50 % le prix d'une montre alors que son equivalent quartz possède un mouvement qui coûte exactement le même prix à la sortie d'usine...

Je parle beaucoup de Jaeger, mais cette marque n'est pas la seule à avoir de telles pratiques. Elles sont très courantes dans le secteur...

Regardez Rolex il y a 2 ans: augmentation pour toute la gamme. A titre d'exemple, l'Air King est passée de 2150 euros (soit environ 14 700 francs) à 2780 euros (pratiquement 18 200 francs) Le calcul est vite fait: + de 30 % d'augmentation.

La réalité est celle-ci: trois augmentations de ce type en 10 ans et les prix de vente d'une enseigne augmentent de 100% ni vu ni connu sans que l'acheteur lambda ne le sache ni ne s'en aperçoive.

C'est un fait: les prix des montres, depuis ces 15 dernières années ont été artificiellement gonflés. Tout véritable amateur de montre vous le dira.

Pensez à la marque qui produit le fameux El Primero.

Dans le secteur horloger, il n'y avait que les dirigeants de Zenith pour être assez stupides et appliquer une hausse de 40 % en une seule fois.

Du coup, tout le monde s'en est aperçu et tout le monde ne s'est pas géné pour taper sur Zenith et ses dirigeants. Normal: quelle idée de faire passer le prix de vente d'une montre de 2900 euros à 4200 sans justifications apparentes! Il y a de quoi se poser des questions.

Mais finalement, on peut rappeler que la hausse de 40% de Zenith n'est pas plus importante que les augmentations cumulées, ces 5 dernières années, par un très grand nombre de marques.

Les patrons de Zenith n'ont commis qu'une bourde: vouloir augmenter trop vite au lieu de réhausser progressivement les tarifs. Il faut admettre qu'ils n'ont pas été très malins.

Mais il faut également rapeller que c'est aussi la vie, l'histoire et le personnel d'une entreprise que des financiers mettent en danger pour des intérêts essentiellement pécuniers.

Et nous voilà tout de suite au coeur des choses: la passion pour un métier, la passion pour l'horlogerie. Vertu qu'il manque trop souvent à ces gens là.

La question que se pose tout amateur: "Faut-il payer le prix fort pour une passion?"

Pour ma part, je crois que si on a les moyens, il le faut. On doit se le permettre. Nous n'avons qu'une vie.

Cependant, je crois aussi qu'il faut se poser une autre question également essentielle: est-on vraiment un amateur d'horlogerie?

Un amateur n'est pas forcément un passionné ni un historien de l'horlogerie.

C'est une personne qui a une attirance pour une matière ou un domaine du savoir et de la culture humaine. Mais ce n'est pas une "fashion victim".

Or j'ai pu constater que beaucoup de personnes ont une méconnaissance partielle des produits qu'elles achètent ainsi que de leur mode de fabrication.

Nombreux sont ceux qui, essentiellement, achètent une esthétique.

Je crois que ces personnes, de façon probablement involontaire, passent à côté de l'essentiel, de ce qui fait le coeur de l'horlogerie: le mouvement mécanique.

Ils restent finalement au niveau de la surface, de ce qui est proprement superficiel. Et c'est dommage.

Petit à petit, ce qui fait la valeur d'une montre se perd et s'érode et s'oublie avec le temps.

Il faut se rappeler cette simple réalité physique de la montre mécanique: le mouvement de celle-ci, en terme de surface, constitue les 9 dixièmes de la surface de la montre.

Ne s'intéresser qu'à l'apparence extérieure d'une montre, ce n'est, finalement, s'intéresser qu'au dixième d'une montre.

De même, c'est oublier l'in-géniosité mécanique. C'est oublier l'intelligence que l'homme sait mettre dans la matière ainsi que l'histoire de cette intelligence que porte chaque mouvement mécanique en lui. Ce qui fait spécialement la beauté du mécanique avec sa finition.

Enfin, c'est aussi faire le jeu de certains fabricants qui poussent encore plus loins le vice et n'hésitent pas à augmenter les tarifs pour des pièces horlogères de qualité moindre. Ils le font car des gens qui n'y connaissent rien achètent. Et ils n'ont pas tort de se priver en un sens.

Au final, c'est le passionné qui, toujours, en pathie. Essence même du passionné, me direz-vous...

Servatempus




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